chapitre2
Les gendarmes étaient au nombre de cinq : quatre hommes et une femme. Jacques, colonel de quarante-cinq ans, toujours très strict, le képi tout le temps bien mis et le sifflet souvent dans la main, porte une moustache assez longue et a une très bonne réputation. Son équipe se compose également de Richard, père de quatre enfants, tous des garçons, et tous âgés de plus de quinze ans. Françoise est la seule femme du groupe : elle est Suisse, a de nombreuses taches de rousseur et ne se laisse pas impressionner par tous ces hommes. Vincent, le plus jeune de l'équipe, participe à cette affaire en tant que stagiaire et retournera dans sa ville une fois l'enquête terminée. Albert, proche de la retraite, se montre de plus en plus paresseux, et ses collègues sont toujours en train de le secouer. Les gendarmes acceptèrent que Robin et moi coopérâmes avec eux pour toute la durée de l'enquête. La mamie de Robin reçut le groupe d'enquêteurs dans l'immense salon du château. Depuis la mort de son mari Henri, Josy trouve le château beaucoup trop grand pour elle toute seule. Dans le salon où nous étions tous assis, se trouvaient sur la cheminée de nombreuses photos de ses deux enfants et de son mari. Josy prit la parole : " Si vous connaissiez ma triste histoire ! Mon mari est parti à la guerre et n'en est jamais revenu. De plus, mes enfants habitent très loin et ne viennent me voir que trop rarement. Heureusement que mon petit-fils Robin et son copain Charly me rendent visite lors des vacances scolaires. Ce pauvre Antoine ! Quand j'y pense, dire qu'on l'a assassiné, cela me fait froid dans le dos car il était mon seul et unique voisin et c'était un excellent ami. J'espère que vous arrêterez rapidement le coupable avant qu'il ne tue d'autres personnes. " Les gendarmes rassurèrent Josy sur ce point et nous demandèrent, à Robin et moi, d'essayer de nous remémorer précisément le moment du drame et de tenter de donner le plus de détails possibles susceptibles d'être utiles pour l'enquête. Nous leur racontâmes que nous jouions au ballon dans le parc d'Antoine lorsque nous entendîmes une détonation suivie d'un cri et que nous vîmes Nans qui s'enfuyait à toute allure lorsque nous découvrîmes le corps d'Antoine. Richard demanda : " Êtes-vous certains qu'il s'agissait de Nans ? " Je lui répondis qu'il aurait été impossible de se tromper puisque Nans était la seule personne des environs à marcher en s'appuyant sur une canne en bois de cerf et que l'homme qui s'enfuyait tenait un grand bâton en bois dans sa main. Richard expliqua qu'il fallait réaliser sans tarder le portrait-robot de Nans et diffuser ce dernier un peu partout. À ce moment-là, le médecin légiste, prénommé Luc, arriva et demanda aux gendarmes où se trouvait le corps. Robin et moi, suivis de quatre gendarmes, accompagnâmes Luc jusqu'au cadavre. Robin resta avec Luc tandis que je partis avec Vincent réaliser le portrait-robot de Nans. Richard, Albert et Jacques commencèrent à fouiller le manoir à la recherche d'indices. Robin était admiratif devant le travail de Luc : Quel courage de travailler au milieu de corps baignant la plupart du temps dans des mares de sang et de les examiner ! Luc est brun, a les yeux bleus, porte de petites lunettes carrées et a un petit rire malicieux. Il retourna le cadavre d'Antoine ce qui lui éclaboussa sa chemise blanche et son pantalon en plastique. Ses gants furent très vite couverts de sang. Le médecin légiste conclut rapidement que la victime avait été tuée d'une seule balle tirée en pleine tête et en déduit que la balle provenait d'une arme de calibre douze. Malheureusement, cette arme n'avait pas encore été retrouvée. Luc retourna au fourgon mortuaire pour prendre d'autres accessoires. Il remarqua également des empreintes de pas qui menaient jusqu'à la forêt. Il procéda à d'autres relevés d'empreintes puis transporta le corps jusqu'au fourgon mortuaire pour le mener à la morgue. Pendant que Robin était avec Luc et tandis que j'aidais Vincent à faire le portrait-robot de Nans, Françoise était restée au château avec Josy, d'une part pour ne pas laisser la vieille dame toute seule, et d'autre part, pour essayer d'en savoir un peu plus sur le passé d'Antoine. Josy expliqua qu'Antoine avait très bien réussi à l'école et avait obtenu un poste aux chemins de fer. Cela lui avait permis de nourrir sa famille. La victime avait en effet une sœur, Lucie, et un frère prénommé Bernard. Sa mère s'appelait Jeannette et son père était mort à la guerre. Jeannette s'était arrêtée de travailler pour s'occuper de ses enfants. Josy expliqua ensuite qu'Antoine avait eu une importante promotion à l'âge de vingt-six ans : Malgré son jeune âge, il eut d'importantes responsabilités qui le menèrent régulièrement à travers le monde. Il gagna ainsi beaucoup d'argent ce qui lui permit de bien aider son frère et sa sœur lorsque leur mère mourut. Françoise prit la parole et demanda : " Savez-vous si Antoine possédait plusieurs propriétés ? - En plus du manoir qu'il avait acheté en ruines et restauré, Antoine possédait trois autres villas : une en Australie, une à Tahiti et une au bord du désert. " Françoise se dit que la victime avait peut être été abattue par quelqu'un jaloux de cette situation financière mais ne dit rien à Josy. La grand-mère de Robin raconta aussi qu'Antoine lui parlait souvent de son rêve qui était de parcourir l'espace et d'aller sur la Lune. Pendant ce temps, Vincent et moi étions à la gendarmerie de la ville voisine pour réaliser le portrait-robot de Nans. La gendarmerie se trouve à l'entrée de la ville ; le bâtiment est très imposant. La façade est blanche et bleue et le logo " gendarmerie " occupe une place très importante. Vincent m'emmena dans un bureau destiné à la réalisation des portraits-robots. Je m'installai devant un ordinateur et grâce à mes indications (j'avais vu en effet Nans à plusieurs reprises), Vincent put rapidement imprimer le portrait suivant : homme assez jeune, cheveux blonds et bouclés, yeux verts. Je précisai de nouveau à Vincent que Nans s'appuyait toujours sur une canne en bois de cerf pour marcher et qu'il habitait une maison de pêcheur proche de la Truyère. Lorsque Vincent et moi retournâmes au château, tout le monde était en train de faire part de ses premières conclusions. Albert, Richard et Jacques racontèrent que le manoir avait été cambriolé : plusieurs meubles semblaient en effet avoir été déplacés et un coffre avait été forcé et vidé. Vincent et moi expliquâmes que le portrait-robot de Nans avait été réalisé et qu'il serait bientôt diffusé un peu partout. Françoise exposa brièvement le passé de la victime et nous nous dîmes tous que la situation financière d'Antoine avait peut être fait des jaloux. Jacques prit la parole : " Il serait intéressant d'aller interroger les villageois ; peut-être que les gens parleraient et apporteraient des informations très intéressantes sur Antoine. " Tout le monde fut d'accord avec la proposition du colonel. Mais c'est Luc qui apporta des éléments très importants pour la suite de l'enquête. Il fit part de ses conclusions : Antoine avait été assassiné d'une balle tirée en pleine tête et elle provenait d'une arme de calibre douze. Il expliqua aussi que cette arme ne se trouvait pas près du cadavre et qu'il ne l'avait pas retrouvée. Il fit part également du fait qu'il avait relevé des traces de pas près du corps qui menaient jusqu'à la forêt. Albert demanda : " À votre avis, ces traces de pas étaient celles d'un adulte ou d'un enfant ? - Celles d'un adulte, sans hésitation , répondit Luc. " Robin fit remarquer qu'il s'agissait certainement des pas de Nans et expliqua aux gendarmes que si l'on suivait la forêt, on arrivait directement à la maison du suspect. Luc rajouta qu'Antoine ne portait pas son collier en argent autour du cou. Quelqu'un le lui avait donc volé. Après avoir salué Luc qui en avait fini avec son travail, nous fûmes tous d'accord pour passer à la seconde phase de l'enquête. Nous nous répartîmes les tâches de la façon suivante : Richard, Albert, Jacques et Robin iraient fouiller la forêt et vérifier si les traces de pas menaient jusqu'à Nans ; peut-être retrouveraient-ils l'arme du crime ainsi que le portefeuille de la victime. Quant à Vincent et moi, nous fûmes d'accord pour aller interroger les gens au café du village et voir un peu les répercussions de la mort d'Antoine dans ce bourg si tranquille d'habitude. Josy avait apprécié la compagnie de Françoise, c'est pourquoi cette dernière accepta de rester encore avec la grand-mère de Robin. Tout le monde était prêt à partir pour la poursuite de l'enquête lorsque Robin s'écria : " Et si nous nous étions trompés depuis le début ? - Peux-tu préciser tes propos ?, demanda Jacques. - Depuis le début, on suspecte Nans, et moi le premier, mais si Nans n'était pas coupable ? - Mais vous l'avez vu s'enfuir, reprit Albert. - Peut-être que Nans ne s'enfuyait pas mais qu'il poursuivait en réalité le tueur. Il a peut-être assisté au drame. - Pourquoi n'est-il pas venu voir les gendarmes ? demanda Josy. -Tout simplement, par peur. "